Rapport d’enquête sur l’éclosion de la COVID-19 aux CHSLD Herron et Sainte-Dorothée

Liste des recommandations formulées par les enquêteurs Sylvain Gagnon et Yves Benoît

Il existe au Québec plusieurs types d’hébergement pour les personnes âgées en perte d’autonomie. D’abord, pour les personnes en lourde perte d’autonomie, on retrouve les Centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD)  sous 3 formes juridiques différentes, à savoir les CHSLD publics, les CHSLD privées conventionnés et les CHSLD privés non conventionnés.

On retrouve également au Québec les ressources dites « intermédiaires » (RI), et les ressources de type familiales (RTF). Elles accueillent des personnes âgées dont la perte d’autonomie est moins importante que celle observée en CHSLD, mais qui ne peuvent demeurer à domicile.

En date du 31 décembre 2019, on comptait au Québec 880 établissements pour le total de 50 934 places, répartis comme suit :

  • 313 CHSLD publics pour 30 179 places (59%);
  • 59 CHSLD privés conventionnés pour 6 405 places (13%);
  • 40 CHSLD privés non conventionnés pour 3 517 places (7%), et;
  • 468 RI et RTF pour personnes âgées non autonomes pour 10 833 places (21%).

Pour l’ensemble de ces ressources d’hébergement, à l’exception des CHSLD privés non conventionnés, l’État assure en majeure partie les coûts des services. La personne hébergée en CHSLD public ou privé conventionné, suivant différents paramètres, doit donc contribuer financièrement à une partie des services d’hébergement. Au risque de simplifier les choses et pour les fins de la présente illustration, précisons que cette contribution se situe généralement entre 1 200 $ et 2 000 $ par mois.

La personne hébergée dans un CHSLD privé non conventionné devra quant à elle assumer seule l’ensemble des charges relatives à son hébergement. Cela représente généralement des frais mensuels oscillant entre 4 500 $ et 6 000 $.

CHSLD Herron (Dorval)

Entre le 26 mars et le 16 avril 2020, 38 décès seront confirmés par le Bureau du coroner. La période la plus sombre de cette tragédie se situe entre le 5 et le 10 avril où 23 résidents décèderont.

Recommandations de l’enquêteur Sylvain Gagnon présenté au ministre de la Santé et des Services Sociaux en juin 2020

  1. Vers une plus grande imputabilité: revoir le cadre d’imputabilité des dirigeants des organismes et des établissements assujettis à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.
  2. Les assises légales de l’intervention au CHSLD Herron: faire un examen des dispositions législatives qui pourraient être introduites dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux afin de donner les pouvoirs au ministre, et subsidiairement les attribuer aux dirigeants des CISSS et des CIUSSS, afin d’intervenir d’autorité dans toute ressource d’hébergement qui accueille des personnes âgées en perte d’autonomie ou des adultes en situation de vulnérabilité dans les situations où la santé et la sécurité de ces personnes sont ou pourraient être compromise.
  3. Une nécessaire transition: que le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal assure la gestion intérimaire du CHSLD Herron, dispose des moyens nécessaires pour s’acquitter de cette responsabilité, le temps que des solutions définitives et permanentes dans la gouverne du CHSLD soient identifiées et mises en place.
  4. La Commissaire locale aux plaintes et à la qualité des services : une fonction à revoir en contexte d’établissements privés: revoir le rattachement actuel de la fonction de commissaire local aux plaintes et à la qualité des services actuellement en exercice dans les établissements et organismes privés qui dispensent des services de santé et des services sociaux à des personnes âgées en perte d’autonomie ou à des adultes en situation de vulnérabilité.
  5. Un accès équitable à des services de qualité:
  • Procéder à la révision du cadre juridique et du cadre de gestion des CHSLD privés non conventionnés.
  • Faire un examen des conditions pouvant assurer la pérennité des ressources intermédiaires et des ressources de type familial accueillant des personnes âgées en perte d’autonomie.
  1. La question des agences de placement: procéder à un examen attentif des mesures à mettre en place pour réduire progressivement et ultimement éliminer le recours aux agences de placement au sein du réseau de la santé et des services sociaux.
  2. La pénurie de main-d’œuvre au Québec: mettre en place un groupe de travail à portée gouvernementale pour identifier et instaurer les mesures structurantes qui permettront à moyen et long terme de véritablement agir sur le phénomène de la pénurie de main-d’œuvre qui sévit au sein du réseau de la santé et des services sociaux.
  3. Diriger, c’est prévoir! Les ressources financières dont dispose le réseau québécois de la santé et des services sociaux sont considérables. Pourtant, elles demeurent limitées considérant les besoins abyssaux de la population québécoise en matière de santé et de services sociaux. Se pose alors, pour les décideurs, le difficile arbitrage dans les choix et l’aménagement des ressources. Il importe donc que les décisions qu’ils prennent reposent sur des priorités fondées. La crise créée par la pandémie de la COVID-19, qui a secoué nos CHSLD au cours des dernières semaines, nous aura montré la limite d’un système mis sous pression pendant plusieurs années. Elle aura souligné l’absence d’une vision propre à cerner cet enjeu et à relever ce défi de société, pourtant connu des décideurs, que constitue le phénomène de vieillissement de la population du Québec.

CHSLD Sainte-Dorothée (Laval)

On y déplore 100 décès sur un total de 211 résidents atteints. Ajoutons aux résidents, un cumulatif de 173 employés positifs. Le CHSLD s’inscrit au 7ième rang des CHSLD dans le tableau non glorieux du nombre de cas positifs et au premier rang pour le nombre absolu de décès au Québec

Recommandations de l’enquêteur Yves Benoit présenté au ministre de la Santé et des Services Sociaux le 15 juillet 2020

  1. Structure au niveau national. Le gouvernement a reconnu que la pandémie laisse un bilan catastrophique au Québec pour les établissements de soins de longue durée. Des engagements sont déjà pris pour corriger la situation. Les leçons acquises lors de cette éclosion nous donnent des pistes pour mieux se préparer à une éventuelle deuxième vague. Ainsi, les consignes du MSSS devraient, tout en étant précises, laisser une certaine latitude aux CISSS/CIUSSS dans leur plan de mise en œuvre, afin de permettre de tenir compte des réalités et des enjeux locaux.
  2. Structure au niveau local. La gestion du CHSLD de Ste-Dorothée est compliquée par les interactions multiples avec des directions et instances beaucoup trop éloignées du terrain. Le niveau d’autorité et l’expertise en gestion des cadres intermédiaires sur place permettent difficilement d’exercer un leadership efficace dans des situations d’urgence. Le CISSS aurait intérêt à favoriser une structure qui place en tête des CHSLD des gestionnaires ayant un niveau d’autorité élevé et reconnu permettant une prise de décision rapide et adaptée aux contraintes et à l’expertise du milieu, spécialement en situation de crise. Il est important ici de rappeler que le Ministère, par sa réforme en 2015, a déterminé les quotas et niveaux d’encadrement des CISSS et CIUSSS et demeure encore à ce jour, la seule instance qui peut autoriser toute modification au plan d’organisation.
  3. Systèmes et support. Dans le contexte qu’une deuxième vague pourrait survenir rapidement, il est clair que les systèmes d’information ou de support à la prise de décision ne répondent pas efficacement aux divers besoins. D’importants efforts doivent être consentis afin de rapidement améliorer les systèmes d’information de gestion afin de permettre une meilleure et plus rapide prise de décision. Pensons entre autres à la liste de rappel, à la gestion des horaires, à la gestion du matériel particulièrement les ÉPI, au système d’information du service de santé.
  4. Prévention et contrôle des infections. Un effort particulier doit être mis afin de parfaire la connaissance des intervenants sur la prévention et le contrôle des infections. Des règles de base ont été enfreintes tout au long de l’éclosion. On peut attribuer au manque de personnel et à l’urgence de la situation ces manquements mais un rappel constant des principes de base s’impose. La présence de coachs sur le terrain de façon soutenue est certes de nature à répondre à cette préoccupation. La connaissance de l’emploi des ÉPI est aussi un enjeu. Tout employé devrait en connaître les bonnes méthodes d’utilisation et un rappel périodique devrait être instauré de façon statutaire. Des clarifications quant au type d’équipement requis pour telle ou telle tâche doivent être apportées afin d’éliminer les questionnements et craintes en situation d’urgence, comme cela s’est produit. Entre temps le port des ÉPI doit scrupuleusement être respecté. La direction des soins infirmiers, responsable de la prévention et du contrôle des infections, doit immédiatement faire un post-mortem et préparer un plan d’action pour une éventuelle deuxième vague.
  5. Disponibilité des équipements de protection individuelle (PCI). Tous, sans exception, se sont plaints du manque criant d’ÉPI, ce qui a causé beaucoup d’inquiétude et de mécontentement chez les soignants. L’ampleur imprévue et inédite de l’éclosion peut expliquer qu’on ait été à court de matériel mais il faut obligatoirement en prendre acte. Donc, il est impératif, si ce n’est déjà fait, que la provision des équipements en inventaire soit suffisante pour pallier aux pires scénarios.
  6. Les ressources humaines. Comme partout ailleurs dans le réseau de la santé, le personnel affecté à plusieurs sites a largement contribué à la propagation du virus. Une réflexion s’impose au niveau de la DRHCAJ sur les moyens à prendre pour stabiliser les ressources sur un seul site. L’offre de plus de postes à temps complet doit être considérée, le recours aux agences repensé pour rencontrer cet objectif. Le concours des syndicats à cette réflexion est évidemment souhaité sinon essentiel. Par ailleurs, les ratios de présence, compte tenu de l’alourdissement des clientèles en CHSLD, devraient être revus, tout comme la présence accentuée de toutes les classes professionnelles de la santé.
  7. Le plan de relève en temps de crise est à peaufiner. Qui va où? Comment prépare-t-on la relève (accueil et formation)? Combien de ressources avons-nous? Avons-nous plusieurs scénarios? Arrivons-nous à éviter à tout prix le mouvement de personnel? Il est recommandé qu’un comité, sous la supervision de la DRHCAJ soit immédiatement formé en vue d’une réflexion stratégique. Pourquoi ne pas profiter des remerciements adressés à tous ceux et celles qui ont répondu à l’appel à l’aide au CHSLD pour s’enquérir de leur disponibilité dans l’éventualité d’une deuxième vague?
  8. Circulation de l’information. L’ampleur de l’organisation requiert une diffusion de l’information fluide et efficace faute de quoi s’installe des retards dans les directives et de la confusion comme ce qui a été vécu durant l’éclosion. Le CISSS doit revoir sa stratégie de diffusion et de compréhension des informations et directives.
  9. Volet médical. On l’a constaté, l’éclosion et les soins plus aigus ou plus spécialisés qu’elle a engendrés rendent nécessaire une réflexion sur la couverture médicale en temps normal comme en temps de crise. Les communications entre le DSP, le président du CMDP et les médecins en témoignent. Les démissions en pleine crise des médecins réguliers du CHSLD illustrent le malaise et la nécessité d’une réflexion à mener rapidement.
  10. Planification pour une éventuelle 2e vague potentielle. Ne pas attendre. Il faut débuter immédiatement le plan d’action dans l’éventualité, plus que probable, d’une deuxième vague. Les établissements, et particulièrement les CHSLD, ont appris de la première vague et un post-mortem personnalisé doit se faire. Il est recommandé qu’un comité spécial et haut niveau institutionnel soit mis en place afin d’élaborer son plan d’action.

Cập Nhật Tin COVID-19

Nhận tin tức mới nhất, lời khuyên về phòng ngừa, giải đáp câu hỏi về covid-19.

CẬP NHẬT COVID-19 (CANADA)

Bài Liên Quan

X