Nombre de décès élevé à cause de la COVID-19, angoisse en hausse qui conduit à des révisions de testament, explosion des divorces au moment du déconfinement, achats printaniers de maison reportés… L’été n’aura jamais été aussi occupé pour les bureaux de notaires.
LA PRESSE Publié le 21 août 2020 à 6h00
« Mon agenda est plus que plein, les prochains rendez-vous disponibles sont en octobre », affirme Danielle Beausoleil, notaire associée chez PFD Notaires, à Saint-Bruno-de-Montarville.
« C’est du jamais vu, renchérit la notaire Marie-Ève Brown, associée dans l’entreprise Lettre & Brown, dont les bureaux sont situés à Longueuil et à La Prairie. On ne s’en plaint pas, poursuit-elle, parce qu’il y a beaucoup d’entreprises qui ont vécu difficilement la pandémie. »
Suzanne Hotte, qui exerce depuis 1987, raconte avoir vécu différents défis au cours de sa carrière, comme des récessions. Or, la même phrase lui vient en tête pour illustrer la situation actuelle. « C’est du jamais vu, dit la notaire. On cherche du personnel. On en a engagé, mais on en cherche encore. »
Elle note au passage qu’un acte qui prend 30 minutes en personne, au bureau, peut s’étirer jusqu’à 1 h 15 min en ligne, les clients n’étant pas tous égaux dans leurs connaissances de l’informatique.
“Alors qu’il y a déjà plus de demandes, tout est plus long à faire. On ne peut pas livrer à la même vitesse que d’habitude.”
– Suzanne Hotte
L’Association professionnelle des notaires du Québec constate une augmentation de 30 à 50 % du chiffre d’affaires, selon les régions et les secteurs d’activité.
Sentiment d’urgence pour les testaments
À notre demande, le bureau Vos Notaires Hotte, Langlois, Goupil, situé à Montréal, a fait des calculs. « Comme il y a eu une hausse de décès au printemps, de mars à mai, observe le notaire Francis Langlois, les dossiers de succession ont augmenté de 45 % et un dossier sur deux concerne la COVID-19. »
Pour les nouveaux testaments et la révision de testaments, Me Langlois calcule une augmentation de 40 %. « Aussitôt que les signatures électroniques ont été implantées et que les gens ont commencé à faire confiance à ce système-là, il y a eu une hausse », note-t-il.
Cette hausse marquée pour les testaments, qui s’est fait sentir dans plusieurs bureaux, est attribuable, selon les notaires, à la situation angoissante vécue par toute la planète et au temps dont disposaient plusieurs Québécois pendant le confinement.
« C’est rare que les gens ont le temps de faire le ménage de leurs papiers importants, observe Danielle Beausoleil. Certains se sont aperçus que leur testament datait de 15-20 ans, que les enfants étaient devenus grands et qu’ils devaient tout mettre à jour. D’autres ont senti l’urgence d’en faire un, car ils ont réalisé que la mort était très présente dans nos vies durant la COVID. »
De son côté, le notaire François Loiselle, qui compte 44 ans d’expérience, a fait des testaments en catastrophe à l’hôpital avec toute la complexité que cela implique à cause du virus. Il ne compte plus le nombre de fois où il s’est déplacé à l’extérieur des CHSLD pour faire signer des documents. « Beaucoup de clients insistaient pour faire leur testament, dont un de 96 ans, raconte-t-il. Il était minuit moins cinq. »
Les signatures de testaments et de mandats d’inaptitude se poursuivent de plus belle depuis le déconfinement.
Explosion des séparations
Selon l’Association professionnelle des notaires du Québec, qui représente près de 2000 notaires, la hausse moyenne des chiffres d’affaires, tous secteurs confondus, est de l’ordre de 30 % pour juillet et août, comparativement à la même période en 2019. « Les notaires ont noté une plus grande augmentation pour les séparations et les divorces, affirme le vice-président de l’Association, Kevin Houle. Dans la région de Gatineau, un bureau constate même une augmentation de 50 % de son chiffre d’affaires. »
Marie-Ève Brown n’a pas l’habitude de traiter en juillet et août les demandes de séparations. La période de pointe se situe toujours en septembre. Elle observe aussi que les pertes d’emploi et le télétravail ont entraîné beaucoup de révisions de pension alimentaire et de changements dans les modalités de garde. « Il y a beaucoup de ruptures en septembre au début de l’école, explique-t-elle. Mais cette année, dès que le déconfinement a commencé, il y a eu une explosion des cas de séparation. L’augmentation est astronomique. C’est plus du double. »
Un report dans l’immobilier
Les transactions immobilières, qui ont lieu habituellement au printemps, ont été reportées en juillet et août, ce qui explique la hausse de l’achalandage pour ces deux mois qui sont toujours au ralenti dans ce secteur.
Le notaire François Loiselle, dont les bureaux sont à Verdun, ne constate d’ailleurs aucun ralentissement dans l’achat de résidences, de duplex, de triplex et de sixplex. « Ça faisait trois ans que l’immobilier pétait le feu, lance-t-il. On était dans une erre d’aller et ça s’est arrêté trois mois. Ce que je ressens, c’est que la confiance est revenue depuis le déconfinement. Les gens ont juste reporté leur achat et la signature de l’acte de vente. »