Rozenn Nicolle (Radio Canada, Publié à 4 h 00, 25 juin 2020)
Plus de 80 % des décès canadiens liés à la COVID-19 se sont produits dans des foyers de soins de longue durée.
Le Canada est le pays de l’OCDE qui enregistre la plus importante proportion de résidents de foyers de soins de longue durée (SLD) parmi ses décès liés à la COVID-19, selon un rapport de l’Institut canadien de l’information en santé (ICIS)(Nouvelle fenêtre) publié jeudi.
Plus de 840 éclosions ont été recensées dans les établissements de SLDSLD et les maisons de retraite, ce qui représente plus de 80 % de tous les décès liés à la COVID-19 au pays, note le rapport d’entrée de jeu.
MÉTHODOLOGIE
L’étude prend en compte les données enregistrées jusqu’au 25 mai.
Elle s’est penchée sur seulement 17 des pays de l’OCDE Organisation de coopération et de développement économique, soit ceux dont les données officielles concernant la COVID-19, la situation dans les établissements de SLD et les politiques mises en œuvre pendant la pandémie étaient disponibles.
Le rapport note plusieurs caractéristiques qui peuvent expliquer ce chiffre. La population en SLD a tendance à être plus âgée au Canada que dans les autres pays de l’OCDEOrganisation de coopération et de développement économique, est-il précisé.
Une réponse tardive au Canada
Un des éléments étudiés dans le rapport, et qui explique aussi cette triste statistique au Canada, est la réaction politique à la crise dans les centres de soins de longue durée.
L’ICISICIS a comparé les politiques en place dans chaque pays au moment où le 1000e cas de COVID-19 a été recensé au niveau national. Le rapport a classé la réponse des pays en quatre niveau d’intervention stratégique.
Le premier niveau comprend des mesures comme le confinement et des plans d’aide économique, le quatrième niveau inclut des mesures plus poussées comme l’isolement des patients atteints au sein même des centres de SLD, des équipes de prévention et d’intervention rapide ou encore un dépistage généralisé dans ce secteur.
L’action globale du Canada a été classée dans le niveau 1.
L’une des grandes leçons qu’on peut tirer, c’est vraiment qu’une intervention précoce ciblée pour les secteurs de soins de longue durée fait une grande différence.
Christina Lawand, chercheuse principale, ICIS
Selon le rapport, les pays ayant eu une action classée de niveau 4 ont connu une proportion beaucoup moins grande des décès dans les SLD parmi tous leurs décès (14 %). À l’inverse, en moyenne 52 % de tous les décès recensés liés au coronavirus concernaient des résidents des centres pour aînés dans les pays dont la réponse a été de niveau 1.
Lorsque ces fameuses directives pour fermer les endroits publics, pour le confinement général, ont été mises en place, il y avait encore beaucoup de mesures qui n’étaient pas encore en place pour le secteur de soins de longue durée, en particulier au Canada , explique la chercheuse principale de l’ICISInstitut canadien de l’information en santé, Christina Lawand.
Pas de différence entre établissements privés et publics
En chiffres absolus, le rapport souligne toutefois que le Canada se situe dans la moyenne de l’OCDEOrganisation de coopération et de développement économique quant au nombre de décès de résidents de SLD par million d’habitants.
Le taux de mortalité des résidents touchés au Canada reste, lui, en dessous de ce que les autres pays ont rapporté.
La proportion des résidents en SLD infectés qui sont décédés de la maladie [varie] aussi considérablement d’un pays à l’autre , conclut l’étude. Celle-ci va de 4 % de tous les cas en Slovénie jusqu’à 83 % en Norvège. Au Canada, ce taux est de 35 %, est-il écrit dans le document.
L’une des autres conclusions tirées par les chercheurs de cette étude est qu’il y a peu de différence entre les établissements publics et privés.
Toutefois, le nombre de cas de COVID-19 et de décès liés à la maladie était généralement moins élevé dans les pays utilisant un modèle de réglementation et d’organisation des SLD centralisé, note le rapport.
Des comparaisons à relativiser
La chercheuse, comme l’étude, précise toutefois que les résultats de ces analyses sont à relativiser, notamment car la définition des foyers de soins de longue durée n’est pas la même partout.
Au Canada, par exemple, cela concerne aussi les maisons de retraite ou les hébergements avec moins de services. En Allemagne, les données incluent les établissements communautaires comme les prisons et les refuges.
Ce qu’on dit, c’est faites attention avec les comparaisons, indique Mme Lawand.
C’est pas toujours parfaitement des pommes avec des pommes, des oranges avec des oranges.
Christina Lawand, chercheuse principale, ICIS
Elle estime toutefois que ces données préliminaires, malgré leurs imperfections, permettent de tirer certaines leçons sur la performance de ce système de santé canadien. Ça soulève des discussions importantes dans la société de façon plus globale, ajoute-t-elle.
Mme Lawand espère faire une étude plus avancée sur le secteur et plus particulièrement au Canada. On sait que la population qui vit dans les soins de santé de longue durée est une population extrêmement vulnérable. On veut être mieux préparé pour une deuxième vague et on peut pouvoir tirer des leçons à l’international, avance-t-elle.
On espère apprendre ce qu’on doit mieux faire la prochaine fois.
QU’EST-CE QUE L’OCDE?
L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) est une organisation internationale qui étudie l’économie et les politiques publiques et produit des rapports, des données statistiques et des recommandations. Elle compte 37 pays membres, principalement des pays développés.